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NGOR

Havre de paix

🖊 par Juliette Diallo

Je descends du taxi au niveau de la plage de Ngor et à peine posé le pied par terre, je me fais alpaguer par Moussa, un habitant du quartier. Il me fait faire alors le tour du village de Ngor, en passant par les petites ruelles, m’expliquant comment le village fonctionne, son histoire, la manière de vivre de la communauté. De retour sur la plage, nous prenons la pirogue qui nous amène sur l’île. Moussa continue la visite en passant par la maison d’Abdoulaye Diallo, l’atelier d’Arielle, la maison des artistes, la maison de France Gall et la maison du bonheur, école et centre culturel destiné aux plus démunis, fondé par l’Abbé Pierre et décoré d’une fresque extérieure par 3 artistes de l’île (dont Demba que j’ai pu rencontrer lorsque je suis repartie sur l’île). Cette fresque a été créée juste après la mort de France Gall. Elle lui rend hommage par les nombreux visages et textes de ses ami.e.s peints sur le mur. En se baladant parmi toutes ces maisons, je suis passée par des paysages vraiment magnifiques ; d’un calme apaisant, le bruit des vagues se cassant sur la roche me fait toujours cet effet. De plus, il faut savoir qu’il n’y a aucune voiture, et que l’électricité est solaire. Aucun déchet, que du respect : l’île du paradis ?

Nous reprenons la pirogue pour retourner sur le continent. Une fois le pied posé sur le sable, Moussa m’invite à voir ses œuvres posées dans son atelier sur la plage. Et sur cette plage, j’aperçois des lutteurs sénégalais qui s’entraînent. Je me rapproche d’eux en leur demandant si je peux les prendre en photo et en vidéo. L’un d’eux me dit de venir plus près. Déjà assis, il est très imposant, mais je ne me laisse pas intimider. Moussa m’explique qu’au départ, les lutteurs laissaient les gens prendre des photos mais ils se rendaient compte qu’ils finissaient sur des cartes postales à leur insu. Toujours prêt, c’est son nom, m’explique que c’est possible pour la vidéo et m’informe que l’école a besoin de produits pharmaceutiques pour soigner les blessures faites pendant l’entraînement. Je leur promets de revenir avec des des compresses,  antiseptiques et autres.  Je fini par les filmer,  et les lutteurs commencent à combattre. A la fin de leur combat, ils tapent la pose pour la photo et viennent à six autour de moi pour regarder la vidéo. Ils sont vraiment très imposants, mais je fais comme si de rien n’était. Ils sont très contents de la vidéo. Nous nous disons au revoir et je repars pour le centre de Dakar, des souvenirs plein la tête. J’y retourne plusieurs fois et je fais la rencontre d’Auguste, un habitant de l’île. Originaire de Casamance, il s’est installé sur l’île car comme France Gall, il s’y sent bien. Il me fait découvrir plusieurs jeux de société avec ce que l’on trouve par terre et me fait visiter la partie que je n’avais pas faite avec Moussa. J’y découvre une petite plage cachée dont aucun guide ne parle, mais accessible qu’une partie de la journée, à cause de la marée. Grâce à Auguste et Moussa, la visite de l’île a été complète !

Voilà l’histoire que j’ai pu retenir de ce village :

Il faut distinguer le quartier de Ngor et le village. C’est de ce dernier dont je vais vous parler. Le village de Ngor est un ancien village de pêcheur. Dakar se concentrait à l’époque autour de ce village. Peu à peu Ngor est devenu un quartier mais le village reste une partie à part de Dakar. Dans le village, c’est une petite communauté Lebous qui y vit. Tout le monde se connaît. Tout le monde se respecte. Il y a mosquée et église pour qui veut. Sur place, les pirogues étendues sur le sable attendent de voguer sur la mer. Une femme, une pirogue, c’est la dot m’explique Moussa. C’était comme ça avant. Les pirogues étaient mises en avant sur la plage, alignées, et la femme choisissait celle dont elle préférait les couleurs. La dot existe encore mais le choix d’une pirogue n’est plus une obligation. Derrière les grandes pirogues, les petites pirogues, ce sont pour les enfants qui souhaitent apprendre. « S’ils ne vont pas à l’école, ils peuvent toujours apprendre à pêcher » me précise Moussa. J’aperçois un pélican le long de la plage, et Moussa m’explique que ce pélican femelle est « domestiqué » et fait partie du village. Là où elle va manger, il y a du poisson, c’est bien pratique pour les Lebous de Ngor. Une fois pêchés, les poissons sont déposés dans deux bacs différents : un pour Dakar, l’extérieur, l’autre pour la communauté. La communauté vit à l’intérieur de petites ruelles qui ne permettent pas aux véhicules de circuler. Et au-delà de ces petites rues, le Finistère, le Finistère sénégalais. La pointe ouest de l’Afrique. Au-delà c’est l’Amérique. « Si on fait quelques pas en arrière on revient en Bretagne » plaisante Moussa, et en faisant ces quelques pas, on peut apercevoir le baobab sacré, guérisseur de tous les maux, grand ami de France Gall. France Gall et Michel Berger ont choisi de s’installer sur l’île pour le calme et la sérénité, loin des paparazzis. France Gall malade, le chef du village lui amenait le fruit de l’arbre sacrée. Parfois, c’était France Gall qui se rendait à l’arbre en amenant quelques ami·e·s. Un seul ne passa pas dans la ruelle qui s’acheminait jusqu’à l’arbre : Gérard Depardieu.  Les habitants ont beaucoup ri.  Aujourd‘hui,  ils pleurent,  pleurent  le  départ  de France Gall. Sa maison était du côté nord de l’île, où il était difficile pour les paparazzis de s’y aventurer. Pas de plage de sable fin pour France Gall, elle se trouvait à un endroit très rocailleux, mais la nature offre parfois des cadeaux. Juste en face de sa maison, une piscine naturelle, où lorsque la marée le permettait elle se rafraîchissait. De l’autre côté de l’île, la maison d’Abdoulaye Diallo, peintre sénégalais et grand ami de la chanteuse. Une maison comme salle d’exposition, libre à qui veut s’y rendre. A l’est, la grande plage, à l’ouest, la petite plage, la plage dite « des amoureux », plus petite, plus intime. Au centre de l’île, une base militaire pour entraînement lorsque le Sénégal était sous l’emprise des français. Aujourd’hui le camp sert de formation militaire. A la tombée de la nuit, sur la pointe ouest de l’île, on peut admirer le coucher de soleil et avec un peu de chance, les dauphins qui nous disent bonsoir.

©2024 by JulietteDiallo

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