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DAKAR

Un envol compliqué

🖊 par Juliette Diallo

Je retourne dans la queue et en informe mes nouveaux voisins de la situation. Tout le monde patiente calmement. Je sympathise avec la personne devant moi. Je ne me souviens plus de son prénom, mais appelons-le Christophe. Il part au Sénégal dans un camp de chasse, pour chasser le gibier qui est en surpopulation dans une région du pays et qui détruit les récoltes des agriculteurs. Il les tue et en offre au village d’à côté. Sinon, il dirige une petite entreprise de pompes funèbres proche d’Amiens. Il a habité à Jouy le moutier et Cergy le Haut mais se situe aujourd’hui à 4 minutes à pied de son travail, ce qui est mieux que 3h de trajet aller-retour et 600 euros de frais de déplacement par mois. Finalement, sa passion, la chasse et son boulot tourne autour de la mort mais je n’ai pas osé demander s’il était en quelque sorte fasciné par celle-ci. On discute autour de pas mal de sujets pendant que la file avance. J’effectue à maintes reprises des allers-retours vers l’agent d’accueil mais toujours aucune nouvelle.

Arrivée finalement à 10h au niveau du comptoir d’enregistrement, l’hôtesse me donne un voucher d’une valeur de 11 euros, me précisant de patienter jusqu’à 10h30, une annonce sera passée. Ce bon est pour nous acheter à manger si nous le souhaitons ajoute-elle. Je le prends et pars visiter l’aéroport. Le tour est vite fait.

Le réveil est difficile mais l’envie est présente. Je pars sur un nouveau continent, un nouveau pays pour moi : le Sénégal. C’est à 05h00 du matin que je me force à mettre les deux pieds au sol après avoir dormi un petit cycle de sommeil. J’achète mon ticket de métro  pour l’aéroport : 10,30 euros. Ah oui, quand même. Une heure de trajet transformé en 1h30 à cause d’un malaise voyageur, classique. Changement de train, l’attente commence mais toujours pas de nervosité, je suis à l’heure. Et il neige ! Première neige de l’hiver. Je souris. Le train démarre. Pour ne pas prendre de retard, je m’informe du numéro d’enregistrement. Arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle, je me dirige vers les bornes d’enregistrement n°16. En marchant sur le tapis roulant, j’aperçois à ma gauche une longue file s’étendre jusqu’aux enregistrements et espère que ce n’est pas la mienne. Je n’ai pas assez espéré, il s’agit bien de ma file. Alors comme la plupart des gens, je fais demi-tour et commence à patienter. Au bout d’un moment, la file ne bougeant pas, je m’avance vers un agent de l’aéroport pour lui demander ce qu’il se passe :

- « Le vol pour Dakar n’a pas encore décollé.»

- « Ah. Et on sait quand il décollera ou s’il y a un autre avion qui vient nous chercher ? »

- « Ou il y aura un vol dans l’après-midi ou sinon demain. »

- « Ah  ». Dure matinée. Il est 9h00, l’heure à laquelle nous étions censés décoller.

C’est à 10h30, au milieu de l’attroupement que je la rencontre. Une grande jeune fille, sénégalaise, imposante, souriante mais râleuse, est venue en France accompagner sa mère pour des examens médicaux. Son beau-père a pris le relais hier et elle repartait aujourd’hui pour le Sénégal, chez elle, à Dakar. Mais ça, elle ne le dira que plus tard. A 10h30, le premier contact que j’ai eu avec elle, c’est le partage d’une vidéo montrant l’aéroport de Barcelone et les passagers du vol Air Sénégal livrés à eux-mêmes suite au retard de ce dernier. Elle montre cette vidéo à plusieurs personnes qui finalement s’interrogent : Va-t-on partir ? Le vol est annulé ? Comment fait-on pour récupérer nos bagages ? C’est à 10h45 que l’annonce est passée. Je me retrouve à côté de Christophe et la jeune fille que j’ai rencontrés aujourd’hui.

- « Vous allez être conduits à l’hôtel Courtyard pour la classe Economy et 1ère classe puis au Marriott pour la classe Business. Des navettes seront disponibles dans quelques instants en porte 4. Nous reviendrons vers vous à 15h30. » Après cette annonce, l’hôtesse est assaillie de questions. J’écoute. Des questions plus ou moins pertinentes. Je profite de ce temps de pause pour utiliser mon voucher à Paul. Il faut bien que l’on profite des avantages offerts. En revenant de Paul, mouvement de foule. Ils ont dû annoncer le début des départs navettes. Je suis le mouvement et me retrouve à côté, me proposant de m’installer à côté d’elle, de la jeune fille sénégalaise. Nous discutons durant le trajet jusqu’à l’hôtel puis nous quittons pour aller respectivement dans nos chambres. C’est une première fois dans un 4* pour moi et je m’éclate. Je saute sur le lit, allume la télé, fait la roue dans la chambre. Bref, je passe le temps.

Nous sommes entrés dans l’hôtel vers 11h. Il est 20h et nous quittons les lieux pour 21h. Entre 11h et 20h, je me suis amusée dans la salle de sport, j’ai visité l’hôtel, mangé et à mon plus grand regret, regardé de la téléréalité. C’est au dîner que j’apprends le prénom de la jeune fille : Fatima. Elle est ancienne basketteuse professionnelle et a parcouru pas mal de pays lors de ses compétitions. Elle a dû arrêter suite à des problèmes de santé. Aujourd’hui, elle essaie de « trouver sa voie ». On discute pendant le repas et j’apprends qu’elle appartient à la partie haute du panier. Pour faire court, elle est riche. Je me souviens qu’elle avait passé un coup de téléphone dans la matinée demandant qu’on lui prépare son plat préféré en arrivant chez elle. Elle m’a gentiment demandé si je voulais que son chauffeur me ramène puisqu’on s’était rendu compte que nos adresses étaient proches. J’acceptai volontiers car l’arrivée étant prévue vers 5h, Fatou ne pouvait pas venir me chercher. A l’arrivée des bus navettes pour l’aéroport, c’est le dawa. Une précipitation due à l’impatience de la journée s’installe. Nous nous dirigeons vers un des bus, le chauffeur descend et va aider l’autre chauffeur de bus pour les bagages. Jérémiades générales. Fatima dit qu’elle ne veut pas attendre dans le froid et essaie de trouver un moyen d’entrer dans le bus. Derrière moi, une dame en béquille n’en peut plus. A ma droite, des râleurs. « En plus, il pleut », « mais faites nous rentrer », « ils ne veulent pas qu’on parte », « mais ils sont idiots, c’est pas possible ! ». Finalement, après 6 « longues » minutes d’attente, le chauffeur revient et se fait incendier «  Mais monsieur, faut qu’on vous apprenne à être intelligent là, ça va pas bien ! » lance Fatima. La porte s’ouvre. Dawa général, la femme en béquilles tente de passer prioritaire mais se fait ensevelir par la foule, tout comme moi. Fatima réussit à passer en premier, et moi, je n’arrive que bien après. « Bah alors Juliette t’étais où ? » Elle rigole. Au même moment, le chauffeur demande gentiment à Fatima de céder sa place à une vieille dame âgée en béquille. « Non mais ça va pas monsieur, moi je ne passe pas dans les sièges derrière, vous m’avez vu aussi ? *tchip* Faut vous achetez un cerveau là ! ». Elle ne rigole plus. Je trouve qu’elle y va un peu fort mais je finis par m’installer à côté d’elle. Les gens continuent d’entrer et à s’agglutiner au fond du bus. Les derniers commencent à entrer mais il n’y a plus de places. Tout l’espace du bus est pris par les corps, serrés les uns contre les autres, sur les côtés et dans le couloir. Un long débat débute entre les passagers et le chauffeur : faisons-nous rentrer les derniers ou pas ? Il faut savoir qu’un autre bus revenait pour prendre les derniers, mais les passagers n’étaient pas tous au courant … Alors après ce dialogue de sourd, il décide de fermer la porte et commence à partir. Soudain, une femme crie :

-  « Non mais monsieur, vous partez pas sans ma tante en fait ! Ouvrez la porte ! »

- « Mais madame, c’est complet elle ne peut pas rentrer là ! »

- « Si si, elle va rentrer, arrêtez le bus maintenant. »

Le bus s’arrête, la porte s’ouvre, la jeune femme appelle sa tante. La tante entre, difficilement, la porte se ferme, le bus redémarre. Durant le trajet on finit par rire avec le chauffeur de la situation saugrenue dans laquelle nous nous trouvons tous. Drôle d’expérience. J’ai beaucoup ri.

Retour à la case départ, H+13 après notre supposé décollage. Avant d’embarquer, Fatima me propose de manger Mac Do, je décline sa proposition (nous avions mangé il y a 30 minutes) mais m’assois avec elle. Elle revient avec au moins 6 pièces : burgers, frites, … et en laisse 2 voire 3. Quel gâchis ! Nous finissons par passer la sécurité et cherchons une place pour nous asseoir. C’est à ce moment là que Fatima aperçoit une femme assise avec les pieds étendus sur un autre fauteuil et ses sacs posés sur un troisième.

- « Mais elle va pas bien de faire ça la dame ? Viens Juliette, on va s’asseoir à côté d’elle ». J’étais mitigée car il y avait d’autres places libres ailleurs.

- « Madame, ça va ? On vous dérange pas trop ? Mon amie et moi on veut s’asseoir là et on a besoin de ce siège » désignant le siège où ses pieds étaient étendus.

- « Ah mais je suis vraiment fatiguée là, pourquoi vous venez là, il y a d’autres places ailleurs non ? »

- « Non mais vous utilisez trois sièges en fait, donc ça se fait pas. On veut s’asseoir là » insiste-elle.

La dame dépourvue d’énergie nous donne le siège. J’étais très mal à l’aise.

Au moment d’embarquer, au lieu de faire la queue, Fatima décide de couper à travers la file pour être dans les premiers. Beaucoup la suivent. Et finalement, deux files se créent. D’ailleurs Fatima m’avait raconté qu’à une époque, avec son amie, pour passer devant, elles faisaient croire qu’elles étaient enceintes et ça marchait ! Jusqu’au jour où, à Toronto, ils ont fait venir les pompiers en croyant qu’elle allait faire un malaise. Ils ne voulaient pas la laisser partir. Elle a feint une indigestion et est montée dans l’avion. Elle n’a plus jamais menti de la sorte.

Je la recroise dans l’avion, lui souhaite bon vol et vais m’asseoir à ma place. Je m’endors doucement après avoir mangé à 1h du matin.

Retour à la case départ, H+13 après notre supposé décollage. Avant d’embarquer, Fatima me propose de manger Mac Do, je décline sa proposition (nous avions mangé il y a 30 minutes) mais m’assois avec elle. Elle revient avec au moins 6 pièces : burgers, frites, … et en laisse 2 voire 3. Quel gâchis ! Nous finissons par passer la sécurité et cherchons une place pour nous asseoir. C’est à ce moment là que Fatima aperçoit une femme assise avec les pieds étendus sur un autre fauteuil et ses sacs posés sur un troisième.

- « Mais elle va pas bien de faire ça la dame ? Viens Juliette, on va s’asseoir à côté d’elle ». J’étais mitigée car il y avait d’autres places libres ailleurs.

- « Madame, ça va ? On vous dérange pas trop ? Mon amie et moi on veut s’asseoir là et on a besoin de ce siège » désignant le siège où ses pieds étaient étendus.

- « Ah mais je suis vraiment fatiguée là, pourquoi vous venez là, il y a d’autres places ailleurs non ? »

- « Non mais vous utilisez trois sièges en fait, donc ça se fait pas. On veut s’asseoir là » insiste-elle.

La dame dépourvue d’énergie nous donne le siège. J’étais très mal à l’aise.

Au moment d’embarquer, au lieu de faire la queue, Fatima décide de couper à travers la file pour être dans les premiers. Beaucoup la suivent. Et finalement, deux files se créent. D’ailleurs Fatima m’avait raconté qu’à une époque, avec son amie, pour passer devant, elles faisaient croire qu’elles étaient enceintes et ça marchait ! Jusqu’au jour où, à Toronto, ils ont fait venir les pompiers en croyant qu’elle allait faire un malaise. Ils ne voulaient pas la laisser partir. Elle a feint une indigestion et est montée dans l’avion. Elle n’a plus jamais menti de la sorte.

Je la recroise dans l’avion, lui souhaite bon vol et vais m’asseoir à ma place. Je m’endors doucement après avoir mangé à 1h du matin.

Nous arrivons à 5h à l’aéroport de Dakar, il a l’air de faire chaud. L’avion met du temps à se vider. J’espère que Fatima m’attendra. Arrivée à la douane, on nous fait prendre la température et je retrouve Christophe. Je sympathise avec les gens derrière moi, dont un qui revient au Sénégal après 4 ans d’absence. Matino était à Lille pour ses études et travaillait depuis 2 ans dans le nord de la France. Le douanier qui porte le même nom que moi me le fait remarquer en souriant. Je lui souris en retour. Je me dirige peu après vers les bagages. J’essaie de repérer Fatima dans la foule mais ne la trouve pas. J’espère qu’elle m’attend à l’extérieur. Ce que je ne trouve pas également : ma valise. Impossible de mettre la main dessus comme la quarantaine de personnes autour de moi. Après 14h de retard et 5h de vol, les nerfs sont tendus. Je retrouve Christophe et Matino, eux aussi, sans bagages. Je vous épargne les détails mais nous attendons 1h pour déclarer notre bagage perdu et sortir de l’aéroport. Aucune trace de Fatima, pas de réseau. Matino me dit qu’on trouvera une solution. Au Duty Free, je réussis à avoir le wifi et contacte immédiatement Fatou pour lui dire où j’en étais. Finalement Matino me présente à ses parents, qu’il n’avait pas vus depuis 4 ans – émotions au rendez-vous – Je ne vais pas vous le cacher, j’étais gênée. Après la séquence émotion, nous sortons dehors et la famille de Matino me trouve un taxi en négociant le prix. Dans le taxi je demande à joindre Aïssatou, la « tante » de Fatou, pour qu’elle indique au taxi où me déposer car il n’y a pas d’adresse précise au Sénégal. Sur le chemin, je découvre alors une partie du Sénégal. Des maisons en béton semi-construites, des ponts avec des enfants en uniforme pour l’école, des espaces vides, un cheval, la conduite sénégalaise.

J’arrive à destination aux alentours de 8h. Aïssatou m’accueille, je suis enfin arrivée ! Bonjour Fatou !

©2024 by JulietteDiallo

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